Le mercredi 12 juillet, le Parlement européen a adopté un texte de « Règlement de restauration de la nature ». Nous pourrions nous en réjouir mais il est inquiétant de constater que le texte a été adopté par 338 voix pour, 300 contre et 7 abstentions. Il reste donc plus de 300 députés européens qui refusent de prendre des mesures qui ont pour but de préserver ce qui reste d’environnement naturel et d’en restaurer d’autres alors que cela est incontestablement nécessaire pour la survie de l’Humanité. A cela s’ajoute le fait que le texte présenté à l’Assemblée a été largement amendé dans le sens de son affaiblissement pour qu’il soit adopté. Toutes les nouvelles concessions réduisent l’efficacité du Règlement et en ralentissent la mise en œuvre. Le débat à propos de ce Règlement est un exemple des difficultés rencontrées par le monde politique subissant des pressions qui visent à empêcher la prise de décisions qui s’imposent alors que tous les scientifiques s’accordent pour dire qu’il y a urgence. Tout retard alourdira les efforts qui seront demain demandés aux citoyens et fera exploser les coûts de la transition. Nous rejoignons sur ce point, d’autres courants philosophiques et de nombreuses associations de la société civile.
La Franc-maçonnerie n’a pas pour objet, ni pour but d’exprimer une opinion collective, mais, lorsque le respect des valeurs humaines est en péril, lorsqu’une vie digne pour tous les humains risque de ne plus être assurée, lorsque la qualité de vie des générations futures est profondément obérée, le silence n’est plus de mise.
Les Francs-Maçons travaillent à la réalisation pour tous les humains d’un maximum de développement moral, intellectuel et spirituel. Ils sont conscients que cela n’est possible que dans le cadre d’une humanité fraternellement organisée entre les êtres humains et entre ceux-ci et la nature dans son ensemble.
Dès lors, nous estimons que nous devons nous adresser à tous ceux qui ont une responsabilité en la matière dans notre pays afin qu’ils agissent sans délai et prennent les mesures indispensables pour assurer aux générations futures une vie décente et cela sans distinction d’ordre social.
Notre conscience d’êtres humains est heurtée quand des pauses sont demandées et des obstacles sont mis à la mise en œuvre de politiques de sauvegarde de la nature mettant ainsi en cause la survie de l’humanité en danger. C’est pourquoi, à la suite du débat qui a eu lieu au Parlement européen, nous joignons notre voix à celles de tous ceux qui pensent que les enfants d’aujourd’hui et de demain sont vraiment une priorité. Nous faisons partie nous et les citoyens du futur de ce que le philosophe François Ost appelle une communauté temporelle. Nous pensons également que nous sommes dorénavant tout aussi responsables à l’égard des autres espèces naturelles. Nous savons que notre propre survie en dépend. La science nous rappelle d’ailleurs que nous partageons avec toute la matière de l’univers une histoire commune. Tout ce qui vit participe au mécanisme de régulation des écosystèmes.
Le monde scientifique s’accorde pour dire que cet objectif ne peut être atteint que si des mesures drastiques sont prises pour enrayer le réchauffement climatique et aussi la destruction de la biodiversité. Seul un équilibre harmonieux entre l’Homme et celle-ci peut assurer la survie de l’humanité.
Nous restons persuadés qu’une large majorité des députés européens et de membres des gouvernements nationaux savent que ces mesures sont indispensables et que si elles ne sont pas prises, ce sont des pans entiers de la société ici et dans le monde qui se retrouveront dans une situation les empêchant de faire face à leurs besoins les plus élémentaires et qui seront condamnés à tenter de survivre dans des environnements dévastés.
Le monde traverse de nombreuses crises mais on ne peut se cacher derrière elles pour ne pas avancer sur un enjeu dont dépend tout simplement la survie même de l’humanité et le maintien d’une paix déjà menacée de toute part. Certaines de ces crises étant par ailleurs liées aux premiers effets de la crise climatique et seront aggravées si rien n’est fait dès aujourd’hui.
Nous sommes conscients que les décisions sont difficiles à prendre, elles remettent inévitablement en question nos modes de vie, nos modes de production et de consommation, des éléments importants de notre système économique. Les citoyens ne l’accepteront que si ils constatent que leurs représentants en prenant les mesures leur proposent en même temps une alternative globale et positive, un projet de société reposant sur des principes de fraternité et d’égalité, où la nature serait considérée autrement que comme une ressource à disposition d’une frénésie productiviste. Une société où la définition du Progrès ne serait plus responsable d’une perte de sensibilité à l’égard des autres formes de vie car, la crise écologique est également une crise de la sensibilité et une crise du sens des responsabilités individuelles et collectives. Ce projet devrait être mis en débat dans la société elle-même, les citoyens devenant ainsi co-responsables des décisions à prendre. La démocratie en sortira renforcée et grandie.
Daniel Menschaert, Grand-Maître de Fédération belge de l’ordre maçonnique mixte international du Droit-Humain–
Alain Cornet , Grand-Maître du Grand Orient de Belgique
Raymonda Verdyck, Grande-Maîtresse de la Grande Loge Féminine de Belgique
Jan Van Herck, Fédération de Loges Lithos
Juillet 2023